Opinion Réseau de la santé

La vraie pénurie

Si plus de médecins de famille travaillaient à temps plein, la population bénéficierait de l’équivalent de 1200 médecins de plus

Les médecins de famille sont très nombreux à travailler, par choix, à temps partiel. De mémoire, la moitié des médecins de famille travaillaient (services rémunérés par la RAMQ) en moyenne un peu plus de 200 jours par année et l’autre moitié n’offraient leurs services à la population qu’environ une centaine de jours en moyenne par année.

Contrairement au décompte de ses employés, le gouvernement dispose de données précises sur les journées de travail des médecins.

Cette non-participation volontaire au marché du travail explique à elle seule la plupart des maux associés non seulement à la fausse pénurie de médecins de famille, mais aussi à la réelle pénurie d’offre de services médicaux. En effet, si au lieu de 50 %, 80 % des médecins de famille travaillaient près de 200 jours par année, la population du Québec bénéficierait de l’équivalent de 1200 médecins de famille actifs de plus.

Mais, lorsqu’une convention collective permet à un député, bourreau de travail, de facturer à la RAMQ 215 000 $ en prime seulement, imaginez le peu de temps de travail nécessaire à un médecin monétairement moins ambitieux pour facturer annuellement 150 000 $, primes incluses.

Un examen attentif des conventions collectives révèle qu’elles foisonnent d’incitatifs coûteux, souvent inefficaces et parfois injustifiés.

Prenons la prime au travail. Pour inciter les médecins de famille à travailler davantage, la convention prévoit une prime de 50 $ par jour dès la 181e journée de travail et de 100 $ par jour dès la 201e journée de travail, jusqu’à la 220e.

Bien entendu, tous les médecins qui travaillent déjà 220 jours par année ont été heureux de recevoir cette prime annuelle de 3000 $. Quant aux autres, croit-on vraiment que cela a changé leur comportement? Calculons rapidement, les quelque 2000 médecins de famille qui travaillent 220 jours ou plus par année reçoivent chaque année un total de 6 millions pour continuer à faire ce qu’ils faisaient déjà alors que cette dépense injustifiée est sans impact sur l’amélioration de l’accès à un médecin de famille.

Un autre exemple, le cumul des primes. Le médecin reçoit une prime pour vous inscrire parmi sa clientèle, une autre si vous êtes âgé, une autre si vous souffrez d’une maladie chronique, une autre si vous êtes vu un minimum de fois durant l’année et, enfin, une dernière si vous êtes vu le soir ou les fins de semaine!

Tous ces extras parce que, selon le syndicat des médecins de famille et le ministère de la Santé, vous seriez trop vieux et trop malade pour qu’un médecin accepte spontanément de vous soigner au tarif de base. Toutes ces primes mises bout à bout permettent à la moitié de médecins de famille de très bien gagner leur vie tout en travaillant à temps partiel, et ce n’est guère mieux chez les spécialistes.

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